Je m’assois au piano, les enfants sont couchés dans la pénombre, sous les toits. Je sais qu’ils écoutent, qu’ils aiment, qu’ils attendent. Je joue autant pour eux que pour moi.
Je commence par la petite musique préférée de ma fille ainée : « Maman, tu joues la musique chinoise ? », elle me la demande tout le temps. Une danse populaire de Bela Bartok, rien de très asiatique mais peu importe, c’est notre secret. La musique va emplir leurs rêves de cristal et de légèreté et installer ma journée tourbillonnante et efficace dans un hamac suspendu entre deux rives. Le pouce à la bouche, le nounours serré, le couteau sous le lit, chacun a préparé sa nuit. Je les aide à y entrer en douceur.
Je tourne les pages de ma bible musicale, comme on se promène dans une vieille maison : j’en connais toutes les pièces sans jamais me lasser.